Absentéisme : prévenir le risque de rupture professionnelle

Temps de lecture : 10 mn

Janvier, le mois des bilans.

QVT/RSE, baromètre interne, rapport d’activité, bilan social … Janvier 2022On s’arrête. Un instant.

Pour se retourner sur 2021. Une année qui s’est révélée peut-être à nouveau imprévisible, inattendue. Y étions-nous mieux préparés qu’à la précédente ?

Qui dit « bilan », dit le plus souvent « chiffres », et dans certains cas, en se penchant sur les statistiques, on peut éprouver un vertige : on s’épouvante, on s’inquiète, on se questionne, ou encore on se félicite … Faire le point sur les données « absentéisme », indicateurs clefs pour les directions, les parties prenantes, les investisseurs, les partenaires, les certificateurs, constitue aujourd’hui un exercice obligatoire. Derrière les chiffres, vérifiés plutôt deux fois qu’une s’ils paraissent vraiment alarmants, se cachent des réalités d’entreprise différentes, s’amorcent des débats, obligent à des comparaisons … et génèrent des attentes.

Derrière les chiffres donc, des questions : « Oui mais les accidents du travail, c’est pas de chance, on s’améliore côté sécurité avec l’investissement exceptionnel en formation. Notre taux est bon, et cette année, noyé dans la masse de l’indicateur global absentéisme, on est mauvais ! Il faudrait peut être l’isoler » ?

Les chiffres, nous leur faisons dire ce que nous voulons, tout est question de présentation, ils servent à communiquer des résultats autant que des intentions.

Par exemple le coût réel d’un salarié absent, pourquoi le calculer ?

La protection sociale, obligatoire et complémentaire, intervient, c’est à cela que servent les assurances ! Et bien quand on creuse, ça se complique … Le coût des absences est certes supporté par la collectivité nationale et les organismes de prévoyance mais également directement par l’entreprise.

Ainsi, calculer le coût réel d’une absence suppose d’additionner les coûts directs (coût salarial lié au maintien de salaire) et les coûts indirects (coût de remplacement, de formation, d’intégration, frais de recrutement, temps de travail lié à la gestion administrative & paie, augmentation de la charge de travail des autres collaborateurs, voire temps de réorganisation du service).

Impact économique direct mais aussi indirect avec un risque de déséquilibre des contrats collectifs mutuelle et prévoyance, car lorsque les absences sont nombreuses et longues, l’entreprise « coûte plus cher » à son assureur (prestations servies) qu’elle ne lui « rapporte » (cotisations encaissées), pointe alors la menace de révision des contrats, voire de leur résiliation …

Le coût moyen annuel de l’absentéisme au travail en France est estimé à 25 milliards d’euros, soit environ 3 500 euros annuels par salarié ou environ 7% de la masse salariale. (1)

Derrière les chiffres, d’autres débats : « Et puis, est-ce qu’on doit inclure les arrêts maternité et les congés parentaux, parce que là, c’est différent, non ? C’est dans l’ordre naturel des choses. On n’est plus dans la QVT  » ?

Vraiment ? Vie professionnelle et vie personnelle sont-elles étanches ? Certaines études montrent une forte corrélation entre le taux d’absence pour maternité et les périodes de restructuration de l’entreprise. Réorganisation, fusion, menace de plans sociaux … lorsque l’avenir professionnel se remplit soudain d’inquiétudes, du spectre potentiel du chômage, c’est dans la sphère privée que peut s’exprimer l’envie de réalisation personnelle, de création, de stabilité et d’espoir.

En 2020, le taux moyen d’absentéisme a progressé, il est même en nette augmentation alors qu’il s’était stabilisé entre 2018 et 2019, de même que le nombre de jours moyen d’absence par salarié (2) :

En moyenne 2020 2019 2018
Taux d’absentéisme 6,87 % 5,11 % 5,10 %
Jours d’absence par salarié 25,1 18,7 18,6
L’état de santé reste la première cause d’absentéisme, viennent ensuite les facteurs professionnels. 
En outre, les études (2) montrent que plus l’absence dure, plus les facteurs professionnels sont en cause. 
Ainsi le facteur « épuisement professionnel burn-out » passe en troisième position des absences de plus de 3 mois en 2020.

L’absentéisme : Fléau ? Défi ? Opportunité ?

Tout est question de posture.

Se considère-t-on victime : « Avec tout ce que l’on a fait cette année pour les salariés, je ne comprends pas ! On a même réussi à augmenter les salaires de 1,5 % avec un coup de pouce à 2 % pour les rémunérations les plus basses ! », « Avec la pandémie et le télétravail, c’était à prévoir ! Tout le monde est déboussolé et démotivé  » ? … ou co-responsable ? « Les indicateurs sont au rouge, il faut que l’on se penche sérieusement sur la question, analyser les dysfonctionnements, identifier les leviers, proposer un plan d’action qui tient la route ».

L’absentéisme nous questionne, nous coûte, nous irrite, nous challenge, nous décourage peut-être. Tous : directions, managers, salariés, fonction RH, responsables QVT/RSE, préventeurs internes, partenaires sociaux, conseils et experts externes. Comprendre, trouver les causes (au-delà de l’absentéisme incompressible lié notamment aux épidémies, lequel représente environ 1/3 du taux complet (3)). Imaginer des solutions, partager les bonnes pratiques de prévention.

Autant de défis, tant la problématique est complexe, multifactorielle et les voies d’exploration diverses. Autant d’opportunités de collaborer en associant l’intelligence collective !

Les directions d’entreprise et partenaires sociaux ne font-ils pas de leur mieux pour prioriser les investissements en prévention/sécurité, négocier des budgets pour améliorer le bien-être au travail, former les managers, donner ou tenter de redonner du sens, proposer des espaces de discussion, favoriser le dialogue social, améliorer les organisations, sécuriser les parcours professionnels, communiquer les perspectives, clarifier la stratégie, associer les collaborateurs aux décisions et aux projets, … ?

Quel dirigeant, quel comité de direction ne s’interroge pas aujourd’hui sur le sujet tant les études sont nombreuses, la littérature managériale prolixe, tant la pression sociale est forte également ? Les nouvelles générations de collaborateurs sont plus sensibles que leurs aînés à une marque employeur forte, éthique, socialement responsable et engagée pour tendre vers un modèle vertueux. L’attractivité* des entreprises, les enjeux en terme de recrutement et de fidélisation, sont de plus en plus dépendants d’une communication externe en cohérence avec la politique interne et les pratiques de management des ressources humaines. *(-43 %, c’est le taux de diminution du coût de recrutement avec une marque employeur forte) (4).

La pression sociale pèse également sur chacun d’entre nous en tant que personne, amplifiant nos attentes vis-à-vis du travail, favorisant les potentielles pertes de sens et les risques de burn-out ; autant de conséquences de « promesses » non tenues. 

Quand le travail prend une place qui n’est pas la sienne, trop d’espace ou plus du tout. Quand chacun est encouragé à chercher l’épanouissement personnel, la réalisation de soi, le bien-être, l’autonomie, l’expression de son potentiel, dans une sphère dont ce n’est pas la première vocation. Et que nos aspirations ou nos valeurs se heurtent à des contraintes vécues comme des obstacles : organisationnels, managériaux, familiaux, psychiques. Jouant avec nos limites personnelles, ébranlant jour après jour l’équilibre fragile entre exigences du travail et ressources physiques, psychologiques ou encore sociales, ou le rompant brutalement.

Alors, qu’est-ce qui cloche ? Sur quoi peut-on agir pour arrêter la courbe ascendante de l’absentéisme, l’inflation des dépenses de santé (+ 2,9 % de progression annuelle des dépenses de santé du régime général sur les quatre dernières années, (5)), le nombre de salariés en hyper-stress (24 %, (6)), et le taux de désengagement (45% des salariés souhaitent changer de poste et/ou d’entreprise, (2)).

Quels sont les remèdes ? Pluriels, dépendants des organisations, des cultures managériales, des conditions de travail, de la politique sociale, de la force ou de la faiblesse des liens sociaux au sein des collectifs, et de chaque salarié.e aussi quand l’histoire personnelle percute le parcours professionnel ou inversement, faisant vaciller l’équilibre, entraînant des phénomènes de rupture, d’épuisement, d’usure ou de démotivation.

Quel regard portons-nous sur les personnes fragilisées, les salariés malades, les collègues absents ?

Les difficultés de certain.es à envisager la reprise, le poids du jugement des autres, la culpabilité, le sentiment d’inutilité parfois, l’isolement aussi. « L’absence engendre l’absence », les chiffres prouvent combien une reprise non accompagnée est source de rechute et de nouvel arrêt (19 % des salariés en 2019, 46 % pour les absences supérieures à 3 mois). Au-delà des impacts, économique et de performance, les absences ont des conséquences sur l’ensemble du service par un effet « contagion ». Ainsi, « dans les équipes touchées par des absences régulières, deux fois plus de salariés se sont absentés – ou y ont pensé – que dans les équipes sans absents réguliers » (2).

Quel regard portons-nous sur nous-mêmes ?

On peut également être absent à soi-même, se négliger, s’imposer des charges et des objectifs que nul autre que soi n’exige, y compris le patron, y compris le chef, y compris les pairs. Basculer dans ce que l’on nomme le « présentéisme » qui ne se réduit pas à « faire semblant de travailler » mais qui peut révéler une véritable maladie du travail, souvent difficile à décrypter tant il recouvre une réalité complexe, et dont le coût est évalué entre 0,42 % et 0,54 % de la masse salariale (7).

Le présentéisme se définit comme « le comportement d’un travailleur qui se présente au travail malgré des problèmes de santé physiques et/ou psychiques nécessitant de s’absenter » (Gosselin et Lauzier). On associe également à cette notion les « comportements de surinvestissement et de présence au travail au-delà des besoins réels de l’entreprise, alors que la personne n’est pas en état ou même motivée pour être pleinement productive ». Cela constitue par ailleurs un signe précurseur avant un absentéisme plus ou moins volontaire.

D’où viennent ces schémas de comportement ? Des habitudes, des injonctions que la personne ne questionne pas tant elles font partie d’elle-même ? Des conditionnements, des valeurs, de l’éducation, des croyances, de la peur ? Se mentir à soi-même, se dire que l’on va tenir « quoi qu’il en coûte » …

L’entreprise n’y est pas pour grand-chose, si ce n’est de les amplifier parfois par un style de management brutal, générateur d’insécurité, par son rythme, ses exigences, ses propres habitudes et modèle de fonctionnement, le déni de sa dimension humaine. Comme une chambre d’écho, un révélateur, un catalyseur, un oubli collectif que chaque personne est d’abord responsable d’elle-même, de sa santé, de la préservation de sa vitalité mais que chacun se doit aussi de veiller et d’alerter sur les dérives organisationnelles ou managériales.

A quel moment un.e salarié.e devient-il.elle une machine, un robot, qui n’écoute plus ses propres signaux d’alerte, son propre corps ? Ne voyant pas monter en il.elle les trois dimensions concourant au burn-out :

fatigue émotionnelle importante et grandissante caractérisée par le sentiment d’être drainé au contact de l’autre,

dépersonnalisation qui renvoie à une vision négative, à un détachement, un éloignement vis-à-vis des autres individus,

manque d’accomplissement personnel, en référence à une évaluation négative de soi et de ses compétences dans le travail.

Quand comprend-on que l’on a été trop loin, et que malgré un arrêt de travail de plus de 3 mois, pour se soigner, se reposer, faire le point, recharger les batteries, on n’arrive pas à  » y retourner  » ? Que l’on craint d’être sanctionné.e (inaptitude, invalidité, licenciement, RQTH …), de devoir faire le deuil de son entreprise voire de son métier, de ne jamais pouvoir reprendre le dessus sans une aide que l’on n’ose pas toujours demander ?

Les solutions à l’absentéisme, dépendent aussi de la personne individuellement, de son respect de soi, de son engagement envers elle-même, envers ses proches, envers le collectif de travail, collègues ou équipes. La responsabilité d’assumer de se remettre en question quand le « compteur s’affole », de s’observer pour repérer le moment l’équilibre interne est menacé, d’accepter sa propre vulnérabilité, d’alerter, de mettre en œuvre ou de solliciter les moyens pour y remédier.

La responsabilité collective, celle des directions, des managers, des préventeurs, des services de santé au travail, est de diagnostiquer, reconnaître, sensibiliser, former, accompagner, rendre autonome. Et, de veiller individuellement et collectivement à cet équilibre, pour la performance de l’entreprise certes, pour son image bien sûr, pour son climat social évidemment, mais aussi pour prouver par des actes concrets qu’elle est garante de la préservation de chaque composante de son capital humain.

Au total, quel rôle voulons nous jouer ?

Celui de spectateurs passifs de marginalisation progressive ou celui d’acteurs du retour et du maintien en emploi ? Exclure ou inclure ? Désengagés ou engagés ?

Nous avons toujours le choix : rester dans la fatalité et laisser opérer une dynamique vicieuse ou mettre en place une dynamique vertueuse, en nous mobilisant, car « plus l’entreprise met en place des actions pour éviter une absence, plus le salarié se mobilisera à son tour en développant des initiatives personnelles pour améliorer sa santé et son bien-être au travail ». (2)

Janvier, le mois des résolutions.

Quelles sont les vôtres à l’aube de 2022, pour vous-même et pour votre entreprise ? Quels sont les engagements que vous prendrez ? Les vrais, ceux qui viennent du fond, ceux qui tiennent la route, qui résonnent parce qu’ils ont du sens et que vous ne pouvez pas (vous) mentir car leur réussite est à cette condition.

Pour que fin 2022, à l’heure des bilans, un sentiment de fierté et de satisfaction soit la cerise sur votre rapport d’activité ?

Parce qu’après ces deux dernières années hors norme, tant de changements et de remises en question nous ont tous.tes traversé.es, éprouvé.es, et révélé.es sans doute aussi. Nous trouvant prêt.es à innover, plus déterminé.es que jamais à construire, à transmettre, à nos équipes, nos collaborateurs, nos managers, nos associés et à nos enfants, des engagements renouvelés, au service d’une vie meilleure, d’une société de progrès, maillées d’entreprises socialement engagées, animé.es par des valeurs de respect, d’entraide, de solidarité, de cohérence et d’intégrité dans la pleine conscience de nos responsabilités individuelles et collectives au service de l’humain.

En ce début de nouvelle année, mon engagement personnel se concrétise dans la joie de créer, à travers :
une naissance, celle de mon activité indépendante, « Chemins de Traverse, créer pour se réparer soi-même », dédiée à l’accompagnement du retour et du maintien en emploi,
et une adoption, par ma nouvelle famille professionnelle, celle de Shem’s, car nous nous sommes mutuellement choisis, comme il se doit.

Au sein du collectif Shem’s nous n’avons pas la science infuse. Nous cherchons, nous innovons, nous développons, nous ne savons pas mieux que vous ou par avance quelles seront vos solutions, nous les construisons ensemble en mettant à votre service nos compétences d’acteurs de prévention. Mais nous avons osé, nous avons capitalisé, à travers chaque entreprise et personne guidées. Toutes nous ont permis d’enrichir nos pratiques professionnelles, d’identifier de nouvelles pistes d’action, de développer de nouveaux savoir-faire, de conforter notre approche holistique de la santé, dans une logique de transmission favorisant l’évolution et l’autonomie de nos clients.

Chez Shem’s, notre résolution pour cette nouvelle année est de continuer à vous accompagner – particuliers, salariés, managers, dirigeants – avec des convictions partagées par une équipe d’intervenants passionnés, experts, soudés, fiers d’œuvrer en adéquation avec les valeurs fondatrices de leur Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale, et ainsi de poursuivre sa mission de préservation du capital humain en la partageant avec vous.

Parce que nous avons écouté vos préoccupations en tant que dirigeant ou fonction RH, parmi lesquels figurent au « top 10 » (7) :

assistance psychologique gestion de l’absentéisme et du présentéisme
accompagnement aux changements amélioration du climat social dans l’entreprise
conciliation vie professionnelle et vie personnelle sensibilisation aux risques psychosociaux et à la qualité de vie au travail
relation avec le manager de proximité coaching sportif / nutrition
gestion des situations de crise problématique d’ergonomie et de TMS

Pour aller plus loin …

  • Vous souhaitez réaliser un bilan individuel des signes d’épuisement et/ou faire un diagnostic collectif de votre entreprisecontactez l’équipe de Shem’s.
  • Vous souhaitez accompagner le retour au travail de salarié(s) fragilisés pour raison de santé, je suis à votre disposition pour co-construire un dispositif sur mesure.
  • Vous n’êtes pas encore abonné(e) à la newsletter de Shem’s, c’est par ici pour recevoir chaque mois des articles de fond en lien avec la prévention de l’épuisement.
Sources données chiffrées article "Absentéisme : Fléau ? Défi ? Opportunité ?" :

(1) Prévia

(2) Baromètre de l’absentéisme et de l’engagement 2020 Ayming-AG2R La Mondiale

(3) Étude Think Tank Institut Sapiens 2018

(4) Étude Link Human 2019 sur les coûts de recrutement

(5) CNAM période 2018-2020

(6) Étude Cabinet Stimulus période 2013-2017

(7) Livre blanc QVT Gerep / étude Midori Consulting